Vincent Perrottet s'affiche au Centre d'Art à partir du 7 octobre...

Graphiste de renom, cet artiste défend un graphisme exigeant et engagé au service du collectif. Vincent Perrottet affiche son art et ses convictions dans les espaces du Centre d'Art jusqu'en février prochain. L'occasion pour nous de découvrir une discipline encore trop rare dans les lieux consacrés à l'art. Dans cet entretien, il explique sa vision du graphisme, son parcours et ce qu'il souhaite donner à voir dans cette exposition malicieusement intitulée "Waouh"...


Comment définissez-vous le rôle du graphiste ? 

Le graphisme appartient au monde de l'art. Lié à l'espace public, à la transmission d'informations, il nous permet d'exister les uns avec les autres. Le métier de graphiste consiste à maîtriser l'histoire des signes, donc l'histoire de l'art. Ces signes véhiculent des informations et des pensées collectives, avec comme outils, le dessin, l'écriture typographique, la mise en page, les techniques d'impression et les techniques numériques. Le graphisme consiste à passer des messages à travers des visuels, des formes, des couleurs dans un monde où l’on s'adresse à des personnes qu'on ne rencontre pas forcément.


Dans votre travail, vous créez une symbiose entre l’image et le texte, en utilisant la surimpression. Comment construisez-vous le dialogue entre image et texte ?

Je ne suis pas plasticien, je ne peins pas, je ne fais pas de photographie - ou exceptionnellement. Je fais ce que j’appelle de la « cuisine ».  C’est un mot que j'ai appris d’un de mes professeurs qui disait qu'on était des cuisiniers. En tant que graphiste, on compose avec des ingrédients, des photos, des typographies, des textes… L’enjeu de notre métier est de réussir à construire avec ces différentes composantes une image qui perdurera une fois que l'information sera passée.

Pour construire un dialogue entre image et texte, cela dépend d’abord de l’écriture. Mon objectif est de mettre en scène l’écriture dans l’espace réduit de l’affiche. Je dois être en phase avec le message que j’ai à transmettre, puis je m’adapte aux demandes de mes commanditaires, les théâtres notamment.

Quel est votre processus de création pour réaliser une image ? Sur quel support travaillez-vous principalement ?

J’utilise le papier pour prendre des notes et faire des croquis. C’est un travail de pure composition que je réalise sur une feuille A4 avec un crayon. Une fois que j’ai imaginé la composition, je me mets au travail sur l’ordinateur en cherchant les différents ingrédients.

Entre la fin des années 70 et les années 2000, avec l'arrivée de l'ordinateur, il y a eu beaucoup de nouvelles techniques à assimiler pour les graphistes. Elles leur ont permis de travailler à distance tout en leur offrant de nouvelles possibilités plastiques en termes de design. J’ai appris à utiliser Illustrator, InDesign et Photoshop, qui sont devenus mes outils de plasticien. 


L’exposition Waouh a pour objectif de subvertir le regard des visiteurs à travers l’accumulation d’images. Qu’est-ce qui vous attire dans la notion de collection ?

J'aime bien en avoir plein la vue. Cette notion d'accumulation, je la tiens de mon adolescence, durant laquelle j'ai beaucoup visité musées et églises pour les œuvres d'art et l'architecture. Je trouve qu'il y a quelque chose de beau dans les accumulations quand elles sont harmonieuses. Il n'y a rien de plus ennuyeux qu'un appartement design, où il n'y a rien au mur et où tout est pur. L’accumulation de beaux objets sont autant de traces d'humanité. Quand une personne n’est pas là, on retrouve à travers les objets qu’elle collectionne, la présence de quelque chose de fort d’elle.


Dans l’exposition, vous présentez certaines séries d'images que vous avez créées, On peut rêver, Travaille d'abord…, Images de théâtre. Pourriez-vous nous parler des images qui font partie d’une de ces séries ?

Je pense à ma série « On peut rêver » que j’ai réalisée à Marseille, à la demande d'une association détenant un centre social dans une cité marseillaise. À partir des différentes images, j’ai pu vraiment raconter une histoire. Je ne fais pas de grandes affiches génériques, en fin de compte j’aime mieux m’inscrire dans une série parce que ça retrace une histoire.

J’ai décidé d’être graphiste vers 22 ans. J’ai alors commencé à collectionner les affiches d’autres artistes, parce que c’était la meilleure façon de bien voir les images, de bien les comprendre, et d’apprécier l’objet en tant que tel. En nourrissant ma collection personnelle, j’ai vu un nombre considérable d’images qui m’ont nourri visuellement et qui m’ont donné le désir d’en réaliser à mon tour. C’est une réelle émulation de regarder le travail des autres.


Dans votre collection personnelle, on retrouve plusieurs artistes. Comment les avez-vous choisis ? 

J’ai d’abord collectionné des affiches trouvées chez l’imprimeur Lézard Graphique. J’ai en mémoire les images et le style de mes amis graphistes, qui pour la plupart m’ont autorisé à conserver leurs images. J’ai ensuite regardé celles dont je disposais dans les formats qui pouvaient s’inscrire dans l’exposition Waouh, puis j’ai pensé aux personnes que j’avais peut-être moins montrée dans d’autres expositions. Je trouve que tous ces artistes s’accordent bien ensemble. Quand on met deux belles choses l'une à côté de l'autre, ça fait une troisième belle chose et ça s’appelle l’harmonie.

Propos recueillis par Priscilla Mabillot